
Podcast Mémoire humaine vs mémoire numérique : qui gagne ? :
L’IA est-elle le prolongement de notre mémoire ?
Paris Octobre 2025 – À l’heure actuelle où l’intelligence artificielle est partout et révolutionne notre quotidien : elle écrit nos mails, résout nos équations, rédige nos lettres de motivation. Mais dans ce déluge, une question majeure émerge : que devient notre mémoire humaine face à cette révolution numérique ? Le nouvel épisode du podcast Tout sur la mémoire de l’Observatoire B2V des Mémoires propose une réflexion approfondie autour de ce thème. Jean-Gabriel Ganascia, membre de l’Observatoire B2V des Mémoires et spécialiste d’intelligence artificielle et d’éthique des technologies de l’information, offre son éclairage sur les enjeux liés à la coexistence entre mémoire humaine et mémoire numérique.
- La mémoire numérique : un coffre-fort sans conscience
On parle de « mémoire » pour désigner les disques durs ou les serveurs, mais le mot est trompeur. «Ce que nous appelons mémoire sur un ordinateur n’en reproduit en réalité qu’un seul aspect : le stockage», rappelle Jean-Gabriel Ganacia. La mémoire numérique accumule des données en quantités vertigineuses. Aujourd’hui, l’équivalent en nombre de caractères de la Bibliothèque nationale de France tient dans une clé USB. Mais attention, cette capacité de stockage ne créé pas à elle seule du savoir. La mémoire humaine encode, organise, réinterprète et relie les informations à nos émotions. La mémoire numérique, elle, se contente d’empiler les données.
C’est cette capacité à donner du sens, à faire émerger de l’abstraction ou du rêve, qui distingue l’homme de la machine. « Sans cette dimension, Elon Musk ou d’autres grands projets de mémoire augmentée restent purement illusoires », souligne l’expert.
- Attention sous tension : la société du zapping permanent
Au-delà de la mémoire, c’est notre attention qui se trouve menacée. Les techniques modernes d’IA, notamment les grands modèles de langage comme ChatGPT, révolutionnent l’accès à la connaissance. Plus besoin de se rendre à la bibliothèque : l’information est instantanément disponible, accessible à tous et gratuitement. « C’est un immense progrès pour l’humanité », note le spécialiste.
Mais cette abondance d’informations peut aussi fragiliser notre attention. L’accès permanent aux réseaux sociaux, les notifications incessantes et les recommandations personnalisées peuvent conduire à un « parallélisme de l’attention ». Sollicités en permanence, on se concentre moins. Les algorithmes de recommandation, bien qu’innocents en apparence, enferment souvent chacun dans sa bulle. Chacun voit ce qu’il veut, discute avec des semblables, et oublie le débat commun, essentiel à la démocratie.
- L’IA, miroir de nos intelligences
Les avancées de l’intelligence artificielle fascinent parce qu’elles semblent reproduire nos capacités cognitives. Les modèles de langage, comme ChatGPT, imitent nos phrases, nos raisonnements et parfois même nos émotions. Mais cette apparence n’est qu’illusion. «L’IA n’a pas d’intention, pas de conscience, pas de volonté. Elle manipule des symboles, elle ne pense pas », rappelle Jean-Gabriel Ganascia. Si ces systèmes peuvent produire des œuvres musicales, picturales ou littéraires étonnantes, c’est parce qu’ils reproduisent des schémas statistiques appris à partir de données humaines. Ils imitent la créativité, sans jamais la vivre.
- Quand la machine fabrique la fiction : l’ère des illusions
La puissance des IA génératives ouvre une ère nouvelle : celle où l’on ne distingue plus le vrai du faux. Images truquées, vidéos falsifiées, la désinformation n’a jamais été aussi crédible. Pour Jean-Gabriel Ganascia, cette prolifération d’artefacts numériques interroge notre rapport à la vérité : « Nous entrons dans une époque où la confiance devient un bien rare. » Il faut donc redoubler de vigilance et de discernement pour distinguer la création de la falsification. Le danger n’est pas la technologie en elle-même, mais notre tendance à lui accorder une confiance aveugle.
- Une éducation à la lucidité numérique
Pour préserver notre mémoire et notre libre arbitre, l’expert plaide pour une éducation au discernement. Dès le plus jeune âge, il faut apprendre à vérifier les sources, à questionner les images, à identifier les biais des algorithmes. « Nous devons former des citoyens lucides, capables d’utiliser la puissance des outils numériques sans en devenir esclaves. » C’est une question de société, mais aussi de démocratie : dans un monde saturé de données, l’esprit critique devient un acte civique.
En résumé, l’IA n’est ni notre ennemie ni notre sauveuse. Elle nous ouvre un océan de connaissances, mais nous impose vigilance et discernement. Comme la mémoire humaine, elle est puissante mais fragile, et dépend de notre manière de l’utiliser.
À propos de l’Observatoire B2V des Mémoires
Créé en avril 2013 par le Groupe de protection sociale B2V, l’Observatoire B2V des Mémoires étudie la mémoire sous toutes ses formes : individuelle, collective, numérique… Son Conseil scientifique réunit d’éminents chercheurs en neurosciences et sciences humaines. Les actions menées au sein de ce « laboratoire sociétal » visent à favoriser la prévention à travers deux grands axes : soutenir la recherche et diffuser au plus grand nombre les avancées de la science en vulgarisant l’information scientifique pour faciliter sa compréhension.
Pour ne citer que quelques actions menées par le fonds de dotation Observatoire B2V des Mémoires : la bourse doctorale ; la publication de livres sur le thème de la mémoire ; l’événement grand public La Semaine de la Mémoire ; les podcasts « Mémoire, dis-moi qui suis je ? » et « Tout sur la mémoire, le podcast »
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