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Blockchain et durabilité énergétique : au-delà du débat Bitcoin

Par Frederik Dembak, directeur en Chef adjoint Investissement

Une réputation encore plombée par le “proof of work”

Dans l’imaginaire collectif, blockchain rime encore avec Bitcoin… et gaspillage énergétique. En 2021, l’empreinte du Bitcoin avait été comparée à celle de pays entiers comme l’Argentine. Résultat : le débat public s’est figé sur un constat caricatural : « blockchain = pollution ».

Pourtant, la réalité est bien plus nuancée. Depuis trois ans, les technologies de consensus ont évolué, les acteurs institutionnels imposent des critères ESG plus stricts, et la régulation prépare une véritable “taxonomie verte” de la blockchain.

Proof of Work : un bouc émissaire, mais pas sans raison

Le proof of work (PoW) – utilisé par Bitcoin – est effectivement énergivore par conception. Sa sécurité repose sur une compétition de calcul, entraînant une consommation massive d’électricité.

Deux nuances doivent cependant être rappelées :

  1. Le mix énergétique : une part croissante du minage Bitcoin exploite des surplus renouvelables (hydroélectricité au Canada, solaire au Texas, géothermie en Islande). Certaines mines servent même de “tampon” pour stabiliser des réseaux électriques.
  2. L’effet d’entraînement : le PoW a attiré l’attention… et catalysé la recherche d’alternatives plus sobres.

Proof of Stake : une révolution silencieuse

En 2022, Ethereum a opéré une transition historique vers le proof of stake (PoS). Résultat : une baisse de 99,95 % de sa consommation énergétique.

Le PoS repose sur un principe différent : au lieu de dépenser de l’énergie, les validateurs “mettent en jeu” (stake) leurs jetons. La sécurité provient d’incitations financières, et non d’une compétition électrique.

Aujourd’hui, la majorité des blockchains de nouvelle génération adoptent déjà le PoS ou des variantes hybrides. Le narratif “blockchain polluante” ne reflète donc plus l’état réel de l’écosystème.

Vers des consensus encore plus sobres

Au-delà du PoS, d’autres approches émergent :

  • Proof of Space & Time (utilisé par Chia), qui mise sur l’espace de stockage plutôt que la puissance de calcul.
  • Proof of Authority (PoA), privilégié pour les blockchains privées, où des validateurs identifiés remplacent la compétition ouverte.
  • Expérimentations collaboratives : certains chercheurs testent des modèles comme le Proof of Team Sprint, basé sur la coopération plutôt que la compétition.

Ces alternatives suscitent des débats (sécurité, centralisation), mais la tendance est claire : l’empreinte énergétique de la blockchain est en forte diminution.

La pression ESG et réglementaire

Le véritable tournant vient des investisseurs et des régulateurs :

  • Les fonds institutionnels appliquent désormais des critères ESG aux projets blockchain, éliminant ceux qui n’ont pas de stratégie énergétique crédible.
  • L’Union européenne envisage d’intégrer la consommation des blockchains dans sa taxonomie verte, conditionnant l’accès aux financements.
  • Aux États-Unis, certains États exigent déjà des rapports environnementaux détaillés pour les opérations de minage.

Le “risque énergie” devient donc non seulement réputationnel, mais aussi financier et réglementaire.

Les angles morts : privé vs public, IoT et couches secondaires

Toutes les blockchains ne se valent pas :

  • Les blockchains publiques PoW (Bitcoin, Litecoin) concentrent les critiques.
  • Les blockchains privées ou permissionnées utilisées par les entreprises consomment beaucoup moins, leur empreinte dépendant surtout du consensus choisi et de l’architecture réseau.
  • Les solutions Layer 2 (comme les rollups sur Ethereum) réduisent la consommation en regroupant des milliers de transactions hors-chaîne.

Dans l’Internet des objets (IoT), apparaissent même des blockchains ultra-légères, conçues pour des capteurs basse énergie. Un terrain fertile pour des applications “durables par conception”.

Opportunités stratégiques pour l’Europe

Plutôt que de subir la critique, l’Europe peut transformer ce défi en atout :

  1. Se positionner comme leader de l’IA et blockchain vertes, en croisant deux technologies stratégiques sous l’angle de la durabilité.
  2. Imposer des standards de reporting énergétique, créant un label “blockchain verte” différenciant à l’international.
  3. Favoriser les projets couplant blockchain et énergies renouvelables, comme la certification de l’origine verte de l’électricité via registres distribués.

Trois conseils concrets pour décideurs

  1. Évaluer le mix énergétique de tout projet blockchain, au même titre que la sécurité ou la conformité.
  2. Anticiper la réglementation, en intégrant la durabilité dès la conception pour éviter des blocages futurs.
  3. Communiquer sur la sobriété énergétique, car la bataille d’image est aussi importante que la réalité technique.

Dépasser le mythe de la “blockchain énergivore”

Le débat public reste figé sur l’équation simpliste “blockchain = Bitcoin = pollution”. Mais la vraie question pour les décideurs est ailleurs :

Comment tirer parti des évolutions technologiques pour faire de la blockchain une alliée de la transition énergétique ?

Les acteurs capables d’apporter cette réponse transformeront une faiblesse d’image en avantage stratégique.

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